De la jeunesse à la maternité : le vécu en famille

Aurélie n’a que 16 ans et elle attend un enfant, ses amis et ses parents lui conseillent l’avortement. Elle n’est pas d’accord, elle voit les choses autrement, elle dit qu’elle se sent prête pour qu’on l’appelle Maman.

Certaines personnes se rappelleront cette chanson de Colonel Reyel qui en avait touché plus d’un, à l’époque. Moi, je n’avais pas 16 ans, mais plutôt 20. Quoi qu’il en soit, pour nos parents, nous sommes toujours des enfants, même à 20 ans, avec un enfant à la veille de sa licence, alors que tout le monde avait l’espoir que je finirai mon parcours en toute beauté. Mais cela c’était sans compter sur les péripéties de ma vie, de ma destinée. Oui, ma destinée, car il y a de ces épreuves qui viennent non pour vous assaillir mais pour vous forcer à faire une pause afin de retrouver, de par la traversée des épreuves, le chemin que vous devez prendre afin de vivre pleinement votre vie.

Il y a des gens à qui la vie ou la nature doit forcément faire vivre des choses. Ils doivent avoir une histoire car ils ont un rôle, une mission dans leur société. Mais pour la réussir, il faut passer par des situations plus douloureuses les unes que les autres et en sortir aguerrie pour savoir quoi dire, quoi faire bien plus tard.

Je me rappelle encore la scène de ce mardi matin très tôt. J’étais allée réveiller maman pour lui dire de venir dans ma chambre pour une discussion. Une fois arrivée, nous étions assises sur mon lit.

- Elle : Je suis là, dis moi
- Moi : Maman, je vais te dire quelque chose, s’il te plait ne crie pas, je suis désolée, je ne l’ai pas fait exprès.
- Elle : Edwige tu es enceinte ?
- Moi : (Toute perdue) Oui maman, pardonne-moi.
- Elle : (Abattue) Eh Edwige tu m’as tuée ; Enceinte, tu es bête hein. Et moi qui te pensais intelligente, avec tout ce qu’il y a comme préservatifs à Lomé. Mais tu n’as aucune pitié, aucune compassion pour la famille. Avec ce que nous traversons comme situation actuellement et tout le mal qu’on s’est donné pour que tu puisses finir tes études.

En effet, la situation à la maison était très difficile. Papa était atteint d’une hémiplégie partielle depuis quelques mois déjà et notre vie en avait été chamboulée, surtout celle de maman. Je dois avouer aussi qu’étant d’une famille modeste, mes parents avaient tout donné pour que j’aie la meilleure éducation qu’ils pouvaient m’offrir avec leurs moyens. De la 6e en Terminale au Collège Protestant de Lomé Tokoin et l’Université à ISICA, c’était de l’investissement qui ne devait en aucun cas être soldé par une grossesse à l’orée de la victoire que l’on voyait venir.

- Elle : Edwige, nous cheminons ensemble et tu m’as laissée au carrefour.
Je ne vous le cache pas, mes larmes n’arrêtaient pas de couler. J’adorais ma maman et je savais que c’est réciproque. C’était dur de la voir ainsi, c’était difficile de la faire souffrir, c’était pour moi un enfer de lui en rajouter alors que je devais la faire sourire en réussissant.

S’en suivirent les questions sur l’auteur de la grossesse. Elle ne le connaissait pas. Maman et moi n’avions pas de discussion de femmes. Non, les seules fois où maman et moi avions discuté de relation de couple, c’était moi qui avais fait le pas pour lui parler de mon petit-ami du moment. Mais après elle n’a pas su s’y intéresser. De ce fait, je n’ai pas pu continuer par lui en parler et elle n’a rien su quand cette relation s’est détériorée et m’a brisée. Un an et plus après je me retrouvais enceinte d’un jeune homme qui lui était inconnu. C’était donc à ce moment qu’elle a su que je n’étais même plus en couple avec celui qu’elle connaissait. Oui, triste réalité mais vraie !! Ainsi va l’éducation dans certaines familles africaines. Du moment où tu vas à l’école et tu réussis, le reste on s’en fout.

S’en suivirent de durs moments où maman ne me parlait plus. Elle était fâchée, trop fâchée, elle était déçue et meurtrie. Je le sais, tout se lisait dans son regard et dans sa voix pour les rares fois où pour telle ou telle raison elle devait m’adresser la parole. C’était pareil pour mon frère. Lui ne m’a plus reparlé jusqu’à mon septième mois de grossesse : Pas de « bonjour » pas de « bonsoir ». Et tous les gestes qu’il faisait envers moi témoignaient du mépris et de la déception qu’il avait. Ma sœur était la seule qui a su canaliser ses émotions et aller au delà de ses ressentiments pour être gentille avec moi.

Quant à papa, il n’était au courant de rien. Et pourtant je passais mes journées avec lui, vu que c’était vers la fin de l’année et qu’il fallait une personne pour s’occuper de lui. Je ratais certains cours mais tellement accablé par sa situation, il ne remarquait rien. Aussi je l’avoue je n’avais pas vraiment les symptômes d’une femme enceinte et mon ventre peinait à sortir. Néanmoins, il fallait qu’il le sache. On fit donc appel à un de mes oncles paternels qui vint en discuter avec lui. J’étais sortie faire des achats un dimanche matin et à mon retour tous pleuraient au salon y compris papa. C’était la deuxième fois de toute ma vie que je voyais mon père pleurer. Pourtant, papa ne m’a jamais insulté ou fait un reproche, il a tout pris sur lui. D’ailleurs, à compter de ce jour il faisait attention à chaque détail sur ma personne. Ce que je mangeais, ce que je buvais, les médicaments que je prenais et la bonne position qu’il fallait que j’adopte pour dormir.

Je l’entends encore me réveiller lors de mes siestes en disant : « Edwige réveille-toi, une femme enceinte ne dort pas sur le ventre. »

Mais bien avant cela, une fois la colère de maman un peu apaisée, deux semaines après que je lui ai appris la nouvelle, elle veillait également sur moi. Elle s’assurait de tout et de mon bien-être, tous mes désirs étaient réalisés. J’avais des fruits à volonté. N’empêche qu’il y avait des jours difficiles et très forts en émotion. Maman avait quand même mal et il y avait de ces jours où les insultes fusaient dans tous les sens. Je pleurais, je sortais marcher ou me réfugier dans des lieux isolés que j’avais repérés dans le quartier pendant les marches. A chaque fois que je pleurais je demandais pardon à mon bébé.
Mais tout cela c’était bien avant le jour de sa naissance. Dès ce jour, elle est devenue la lumière de nos vies. La raison pour laquelle chacune et chacun se bat chaque jour un peu plus. La meilleure amie de mémé, la femme de son oncle, la princesse et l’héritière de son papi et la fille adorée de sa tante. Comme on le dit « un enfant n’est jamais une erreur, un accident oui, mais pas une erreur ».

Je n’ai qu’une chose à dire, j’ai trouvé la force de traverser tout ceci dans l’amour que j’avais pour mon enfant et la prière. Oui le Seigneur fut mon refuge et en lui j’ai trouvé le réconfort et la force d’avancer malgré tout sans oublier ses amis formidables qui ont été là. La prière est la solution à tout.

De la jeunesse à la maternité : le vécu en famille
Edwige Mensah 10 octobre 2022
Se connecter pour laisser un commentaire.











 
Tu es PÈRE et homme célibataire